Mennonite – un mot qui intrigue

Serait-ce une nouvelle secte comme il en fleurit tellement à notre époque en quête de spiritualité, ou une nouvelle branche de l’écologie, si prisée de nos jours ?

On peut aisément comprendre qu’un mouvement nommé « mennonite » puisse éveiller une méfiance teintée de curiosité auprès de ceux qui entendent ce mot pour la première fois. Une certaine proximité phonétique avec quelques philosophies modernes d’origine orientale ou américaine n’est probablement pas étrangère à cette réaction.

Cette brève présentation historique et théologique du mouvement mennonite veut dissiper quelques confusions.

Arrière-plan historique

Un retour à la terre avant l’heure

Au temps du grand réveil spirituel du XVI siècle, Conrad Grebel, Félix Mantz, Georges Blaurock et quelques autres intellectuels  fondent ce qu’on appelle aujourd’hui le mouvement mennonite.
Ils sont collaborateurs et disciples du réformateur suisse Ulrich Zwingli à Zürich, au début des années 1520.

D’abord pleinement en accord avec lui sur les objectifs d’une réforme de l’église sur la seule base de la Parole de Dieu, ils vont s’en séparer lorsque Zwingli fera appel à l’autorité civile de Zürich pour appuyer son œuvre de rénovation.

Relisant les Écritures, ils dégagent plusieurs principes du Nouveau Testament, et en particulier le baptême des croyants capables de confesser leur foi. Cette conviction consommera leur rupture avec Zwingli.

A partir de là, les tenants de ce mouvement évangélique radical ont été obligés de fuir la persécution engagée contre eux par le Conseil de la ville de Zürich. Ils ont trouvé refuge dans les campagnes où ils étaient bien tolérés. Ainsi ces intellectuels sont peu à peu revenus à la terre. Par la suite, ils sont devenus des agriculteurs reconnus pour leurs grandes qualités professionnelles.

Si l’une des caractéristiques d’une secte est d’être un mouvement d’origine récente, alors les Mennonites n’en sont certainement pas : ils ont bientôt cinq siècles d’histoire derrière eux.
Si l’un des aspects de l’écologie est la recherche d’une vie simple, au contact de la nature, alors les Mennonites en ont été les initiateurs, même si leurs motivations profondes n’étaient pas celles de l’écologie moderne.

De l’Anabaptisme au Mennonitisme

Cette question du baptême est donc intimement liée à une ingérence du pouvoir civil dans le processus de réforme initié par Zwingli à Zürich. C’est précisément sur ce point-là que les trois hommes entendent aller jusqu’au bout de ce qu’enseigne « la claire Parole de Dieu ». Il faut revenir à la pratique de l’Église du premier siècle.

Inquiet de ce désaccord sur le  baptême, le Conseil zurichois lance un débat public en janvier 1525. Le 17 janvier, il décrète que le baptême des nourrissons serait maintenu et systématiquement administré, décision à laquelle Zwingli se rallie.

dispute bapteme zurich
Dispute sur le baptême à Zurich en 1525

Ceux qui ne peuvent se satisfaire de cette mesure gouvernementale, parce que, à leurs yeux, elle s’oppose à  l’enseignement de la Parole de Dieu, se retrouvent dans la maison de Félix Mantz le 21 janvier 1525.

Après la réflexion et la prière commune, Georges Blaurock, ancien prêtre se lève et demande à être baptisé. Puis, à son tour, il baptise les autres personnes présentes, dont Conrad Grebel et Félix Mantz.

Cet évènement marque la naissance d’une nouvelle communauté, qui ose s’émanciper du pouvoir civil en matière de foi et de pratique religieuse. Ainsi une cérémonie de baptême d’adulte, toute simple, mais ô combien chargée de sens, inaugure la naissance d’une église libre désirant « obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes ».

Une telle église libre à l’égard du pouvoir établi n’avait plus existé depuis le 4e siècle. Il faudra encore plusieurs siècles avant qu’elle soit reconnue dans bon nombre de nos Etats modernes.

Les membres de ce renouveau, qui exige un libre engagement à l’égard de la foi et de l’obéissance au Christ, s’appellent entre eux « frères ».  Mais leurs opposants les nomment bientôt « anabaptistes », ce qui signifie étymologiquement « rebaptiseurs ». Ce terme se rencontre encore aujourd’hui, quelquefois sous une forme contractée, surtout en alsacien : « Taüfer », littéralement « baptistes ».

Très tôt une répression énergique est orchestrée contre les frères. Cela les contraint à quitter Zürich en compagnie de nombreux sympathisants. C’est le début d’une longue période de clandestinité.
La pensée anabaptiste trouve des disciples partout en Europe en cette première moitié du 16e siècle.

Suite à l’émigration des anabaptistes de Suisse, on rencontre très tôt des communautés en Allemagne, en Moravie, en Alsace, en Franche-Comté, au Tyrol autrichien et jusqu’aux Pays-Bas.
Cependant en Allemagne du Nord et aux Pays-Bas, le mouvement est mêlé à des tentatives d’insurrection violente sévèrement réprimées, qui entament la crédibilité de l’anabaptisme pour plus de trois siècles.

Menno Simons

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Menno Simons

 

Un prêtre hollandais du nom de Menno Simon est convaincu que les idées issues de la scission de Zürich sur le baptême et sur la nécessité de suivre le Christ, sans aucun recours à la violence et quoi qu’il en coûte, sont conformes à la Bible. Il se convertit à l’Évangile et se rallie en 1536 à ces communautés désorganisées et persécutées.

 

Menno Simon devient le conducteur spirituel infatigable de ces groupes affaiblis et clandestins. La Régente de Frise emploie pour la première fois le nom de « Mennonite » en 1544 pour désigner les anabaptistes pacifiques et évangéliques de Hollande.

En reconnaissance, les anabaptistes acceptent ce nom, qui avait alors aussi l’avantage de les distinguer des groupes à tendance révolutionnaire dans ce bouillonnant 16e siècle. Cette appellation s’est peu à peu imposée aux Pays-Bas, en Allemagne, en France, ainsi qu’en Amérique, où beaucoup de Mennonites ont immigré dès le 17e siècle

Les Mennonites de la Haute Vallée de la Bruche

Persécutés en Suisse, les Mennonites ont cherché asile là où on voulait bien les tolérer. Certains se sont établis en Alsace, et en particulier dans la vallée de Sainte Marie aux Mines. Dès la fin du 17e siècle, on en voit s’installer au Ban de la Roche. Dans les premières années du siècle suivant, ils apparaissent dans la Principauté de Salm. Après l’Édit de 1712 par lequel Louis XIV les chasse de France, ils arrivent là en plus grand nombre.

Rembrandt the mennonite preacher and his wife
Rembrandt – le prédicateur mennonite et sa femme

Dans la première moitié du 18e siècle une communauté se forme au Salm, un lieu-dit de La Broque. De 1890 à 1924 les cultes ont lieu dans une ferme aux Quelles (La Broque) et de 1924 à 1938 à Bénaville (Saulxures). L’émigration vers les États Unis d’Amérique affaiblit la communauté au 19e et au début du 20e siècle.

 

 

A partir de la fin du 18e siècle, des cultes ont lieu dans diverses fermes situées au Hang, ( Bourg-Bruche). Émigrations, mariages mixtes, difficultés économiques et isolement affaiblissent la communauté. En 1919 il n’y a plus d’ancien sur place, d’autres assemblées, surtout celle de Colmar, envoient des anciens pour assurer le service.

En 1951, l’Église consacre un ancien. Une chapelle est construite aux « Hauts de Bruche » sur un terrain donné par un membre de l’assemblée et devient alors propriété de l’« Assemblée Évangélique Mennonite » de Colmar.

Les cultes, ainsi qu’une école du dimanche ont lieu presque tous les dimanches. Durant la semaine, alternativement, une réunion de prière et une étude biblique sont organisées dans les familles.